Histoire et légendes du diamant

Malgré la fascination qu’elle a exercée de tout temps sur l’homme, autant par sa dureté et son indestructibilité que par son éclat, l’histoire du diamant, souvent imprégnée de légendes, demeure encore aujourd’hui bien imprécise. Un des plus anciens témoignages que l’on possède, prouvant que l’homme connaissait le diamant il y a bien longtemps, est un manuscrit hindou du IVe siècle av. J.-C., l’Arthashâstra, sorte de code des impôts sur les pierres précieuses, qui mentionne les caractéristiques d’une gemme dont on peut affirmer qu’elles concernent bien le diamant.

Tout porte à croire que les premiers gisements ont été exploités en Inde dès le VIIIe siècle av. J.-C. Des écrits anciens rapportent que déjà au I er siècle après J.-C, ce pays exportait sa production vers les pays d’Asie Mineure et d’Arabie et vers Rome, puis plus tard, vers l’Europe du Moyen Âge, par des routes monopolisées par les Perses et les Arabes. Cet état de fait ne disparaîtra qu’à l’occasion de la découverte, par Vasco de Gama, d’une voie maritime directe de Lisbonne vers les Indes, bien que J.-B. Tavernier utilisât encore cette route au XVIIIe siècle pour ramener des diamants fabuleux.

Dans les traductions de certains versets de la Bible (Ex 28.18, Jr 17.1, Ez 3.9), le mot hébreu « jahalom » est traduit par diamant. L’absence de critères suffisants pour justifier cette interprétation laisse penser qu’il y a là une confusion probable avec l’onyx ou le corindon.

Ancienne taille brillant
Ancienne taille brillant
La rade d’Anvers au XVe siècle
La rade d’Anvers au XVe siècle

L’étymologie du mot diamant vient du grec adamas qui implique l’idée d’indestructibilité, de caractère indomptable, mais à vrai dire, chez les auteurs grecs, le terme d’adamas ne se rapportait pas toujours au diamant lui-même.

Il faut attendre l’Historia Naturalis de Pline l’Ancien pour trouver une description assez détaillée du diamant, mentionnant sa pureté, son absence de couleur, sa résistance au feu, pour que nous soyons persuadés qu’il s’agissait bien de cette précieuse gemme. L’éclat du diamant était une qualité secondaire, car il ne faut pas oublier que ni les Indiens, ni les Grecs, ni les Romains ne surent tailler le diamant. Il leur était donc nécessaire de rechercher des pierres ayant des faces naturellement lisses et de bonne clarté.

Ainsi, le livre Gemmarum et lapidem historia, publié en 1609 par le Brugeois Anselme de Boodt, est d’une valeur inestimable en tant qu’étude sur le diamant et les techniques de taille. Plus de 600 gemmes sont classées par ordre de forme, de gisement ainsi que par leur utilisation en médecine. Le livre connut sa renommée actuelle grâce à la traduction française datée de 1644, « Le parfait joaillier ».

Il faudra attendre jusqu’au XVe siècle pour que Lodewijk Van Berkem, à Bruges, « invente » le procédé de la taille du diamant avec un disque de fer enduit de poudre diamantée, et que deviennent enfin possibles la taille et le polissage du diamant. En fait d’invention, ce n’était que l’aboutissement du travail et de l’expérience des générations d’artisans qui l’avaient précédé.

Il est permis de croire que Lodewijk Van Berkem, autant qu’il ait pu réellement exister, a divulgué un secret jalousement gardé par la guilde des tailleurs de gemmes.

Des diamants bruts sertis dans des bagues - XVe siècle
Des diamants bruts sertis dans des bagues – XVe siècle
Lode Van Berkem

Lode Van Berkem et l’origine de la technique de taille

Un bas-relief situé au coin de la Jezusstraat et de la Leysstraat à Anvers attribue l’invention de la taille du diamant à Lode van Berkem (Louis de Berquem), Brugeois installé à Anvers vers la fin du XVe siècle.

Néanmoins, il y a toujours eu des historiens pour mettre en doute l’existence de Berkem ainsi que sa contribution à la découverte de la technique de taille du diamant. D’après certains, il n’aurait même jamais existé. En 1373 il y avait une « taillerie » à Nuremberg, qui tout comme en Inde, polissait les faces extérieures d’octaèdres.

Malgré la controverse, la littérature ancienne attribue l’invention de la taille du diamant au Brugeois. Si l’on ouvre au mot « diamant » le vieux dictionnaire de M. Bescherelle aîné (1863), on y trouve les lignes suivantes: « La taille du diamant ne remonte qu’à l’année 1476 ou 1456 selon les sources; c’est un jeune homme de Bruges, Louis de Berquem, qui imagina d’employer pour cette opération la poussière même du diamant, obtenue par le frottement mutuel de deux corps de cette espèce ; le premier diamant ainsi taillé a été acheté à l’inventeur du procédé par Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. »

Toutes les descriptions de diamants antérieures à 1470 parlent de pierres brutes ou « naïfez », ce qui encore aujourd’hui dans le langage spécialisé signifie pierre naturelle ou partie non taillée d’une pierre polie. Tout porte donc à croire que la taille du diamant brillant et dérivé a été inventée vers la fin du XVe siècle.

Henri Jacobs écrivait au XIXe siècle : « Jamais les Anciens n’ont parlé des feux du diamant, et cependant 16 aucune gemme ne peut lui être comparée ; aucune ne présente à un si haut point et avec autant d’intensité les phénomènes d’irisation, d’éclat, de réflexion, de réfraction, de dispersion, que nous avons décrits.

C’est que les Anciens ne savaient pas le tailler ! Le diamant, quand il est brut, alors même que sa cristallisation est parfaite, et que ses faces sont tout à fait limpides, n’a d’extraordinaire que sa dureté jointe à toutes les propriétés magiques qu’on lui prêtait. De toutes les qualités qui font du diamant taillé la plus belle de toutes les pierres précieuses, il n’est jamais parlé. Est-ce à dire que les propriétés optiques des gemmes n’aient guère intéressé nos aïeux ? »

Bague du moyen-âge retrouvée dans l’est de l’Escault
Bague du moyen-âge retrouvée dans l’est de l’Escault
Gravure de Diderot & D’Alembert : matériel du diamantaire
Gravure de Diderot & D’Alembert : matériel du diamantaire

En revanche, on trouve souvent mentionné que « la lumière du rubis taillé est d’une nature si extraordinaire que rien ne peut l’arrêter, qu’il brille même au travers des vêtements les plus épais », comme l’écrit saint Épiphane. Si l’on avait connu le diamant taillé – et seule la taille peut lui donner ce brillant et cet éclat que l’on nomme les feux du diamant – les écrits anciens en auraient certainement parlé en termes émerveillés.

La cape de Charlemagne tenait à l’aide d’une agrafe ornée de « quatre diamants bruts ». L’inventaire des Ducs de Bourgogne mentionne sous le numéro 1331: « Un collier d’or de feuilles branlans, garny de XII points de diamants naïfz à XII transes de perles ». Dans son livre « Les diamants célèbres », Maurice E. Giard dit de Pline l’Ancien: « On le (le diamant) confondait avec d’autres gemmes transparentes ou incolores, plus particulièrement avec le cristal de roche, pierre entièrement transparente mais beaucoup plus douce, ou encore avec le béryl incolore, car on ne connaissait pas la taille du diamant. »

Certains voient dans les écrits de Pline l’Ancien que la taille du diamant existait avant Lode van Berkem: Alio adamante perforari potest, seul un diamant peut en perforer un autre. On pourrait réfuter que les diamants mentionnés par Pline sont probablement des zircons, quartz, béryls blancs, saphirs incolores ou autres pierres précieuses. Aujourd’hui encore, un profane éprouve la même difficulté qu’il y a dix-neuf siècles à distinguer le diamant d’autres gemmes incolores, ce que l’on ne peut pas lui reprocher. Cet argument pourrait même jouer en faveur de l’inventeur brugeois. Car comment expliquer qu’une technique inventée au début de notre ère, ne serait appliquée que plusieurs siècles après son invention? D’autant plus que Pline parle de perforation, non de taille.

Témoignage de Robert De Berquem

Les registres de la ville de Bruges mentionnent à plusieurs reprises le nom de Berkem, mais ne précisent pas s’il s’agit ou non d’un tailleur de diamant.

Certains faits nous permettent néanmoins de considérer le Brugeois comme étant le premier à tailler un diamant à l’aide d’un disque en fer, enduit de poudre de diamant, comme cela se fait encore de nos jours. La forme générale ainsi que la place des facettes ne peuvent, par contre, lui être attribuées, car cette symétrie, basée sur le réfléchissement de la lumière, était déjà appliquée par les tailleurs de rubis anversois. 

Après l’invention de la technique de taille – c’est-à-dire la taille des facettes du diamant à l’aide d’un disque en fonte enduit de poudre de diamant – Lode van Berkem quitte Bruges, sa ville natale. Il s’établit à Anvers où il mit sa technique à profit pour tailler trois diamants célèbres parmi les confrères de sa corporation.

Son petit-fils, Robert de Berquem, écrit que : « Lode van Berkem était doté d’un extraordinaire esprit d’inventeur. Son père, ayant d’autres projets d’avenir pour son fils, l’envoya à l’université de Paris afin d’y étudier la littérature. Il n’y fit néanmoins aucun progrès, son esprit méditatif et imaginatif lui prenant tout son temps pour ses multiples inventions. Il n’y fit donc pas preuve du zèle et de l’assiduité propre au bon étudiant. »

De retour à Bruges, Lode van Berkem met en application les techniques élaborées dès le début de ses études. Il place deux diamants dans le ciment. En les frottant l’un contre l’autre, il découvre qu’il peut parfaitement tailler les pierres, les travailler selon son désir à l’aide de la poudre qui s’est libérée, ainsi qu’avec la meule et quelques disques en fer de son invention. Les résultats sont si satisfaisants que sa technique est toujours la seule utilisée.

Gravure de Diderot & D’Alembert : moulin de taille.
Gravure de Diderot & D’Alembert : moulin de taille.
Gravure ancienne montrant Louis de Berquem au travail avec son apprenti
Gravure ancienne montrant Louis de Berquem au travail avec son apprenti

C’est à ce moment que Charles, dernier duc de Bourgogne, lui confie trois grands diamants à tailler selon ses compétences. Van Berkem les taille, l’un en refoulé, un autre plat et le troisième en forme de triangle. Le duc, enchanté par son travail et impressionné par son invention, le 19 récompense de 3000 ducats. Le prince trouve les pierres magnifiques et rares.

La pierre taillée en refoulé alla au Pape Sixte IV. La pierre en forme de triangle, sertie dans une bague en forme de cœur enserré par deux mains, fut offerte en gage de loyauté à Louis XI, dont il voulait gagner l’amitié. Il garda la troisième pierre, la plus grande, et la porta en permanence au doigt jusqu’à sa mort un an plus tard, en 1477, à Nancy.

Il est également possible que Lode van Berkem soit originaire d’Anvers. La commune de Berchem était située en dehors des fortifications de la ville. Le véritable nom de Van Berkem était donc peut-être totalement différent. De nos jours, les tailleurs de diamant s’appellent toujours par leur prénom, suivi de leur lieu d’origine, comme par exemple Jan van Berlaar, Jef van Heist, etc. Cette tradition folklorique propre au secteur du diamant provoque encore des complications, et pourrait être la clé du mystère van Berkem. Un certain Louis aurait alors appris la taille du diamant ou des pierres de couleur à Berchem, se serait ensuite installé à Bruges pour y peaufiner les techniques de taille.

Nous pourrions ainsi énumérer Léonard de Vinci, d’Archimède de Syracuse, Jérôme de’s-Hertogenbosch (Pays-Bas) ou Bosch, Thomas d’Aquin, Diodore de Sicile, François d’Assise…

Antonio Pigafetta, qui accompagna et écrit au XVIe siècle l’épopée de Magellan est connu sous le nom d’Antonio Lombardo. Pourquoi Lombardo et non Pigafetta ? précisément parce que son grade n’était pas assez élevé pour qu’on respectât son nom, écrit Léonce Peillard dans la préface du livre Magellan. Il poursuit en précisant que le plus souvent, on les affublait du nom de leur ville ou de leur province natale. Il s’agit ici de Pigafetta le Lombard, comme nous avons connu des Nice, des Marseille ; le Breton, les Provençales sont également devenus des patronymes.

Une usine de taille au XVIIIè siècle
Une usine de taille au XVIIIè siècle
Gravure de la technique de taille, Paris 1697. À l’avant-plan, le débrutage manuel et les outils de taille
Gravure de la technique de taille, Paris 1697. À l’avant-plan, le débrutage manuel et les outils de taille
Taillerie du XVIIIe siècle
Taillerie du XVIIIe siècle

Conclusion

Dans le « Manuel de la Gemmologie », longtemps livre de référence des gemmologues, J. Bolman met l’existence de Lode van Berkem en doute. Il se base sur les textes de l’orfèvre Benvenuto Cellini. D’après l’Italien, « il suffit de frotter les diamants l’un contre l’autre pour obtenir la facette lisse désirée. La poudre qui se libère lors de ce processus est récupérée pour la finition. À cet effet, on place la pierre dans des coquilles en étain ou en plomb, fixées à un bras en bois. Elles sont ensuite placées sur un disque en métal, enduit d’huile et de poudre de diamant ». Cette tech- 21 nique correspond à celle de Lode van Berkem, et confirme plutôt son existence, car le texte date de 1568.

Bien que les arguments pour et contre ne soient pas encore tous développés, on peut affirmer que Lode van Berkem a bel et bien existé et que son nom est étroitement lié à l’invention de la technique de la taille du diamant (nous avons trouvé ces données dans l’ouvrage consacré aux pierres précieuses de Robert de Berquem, petit-fils de Lode). Le livre a été édité à Paris, à peine deux siècles plus tard et dédicacé à Mademoiselle de France. Ce texte officiel ne fut jamais contredit ou controversé. 

Agnès Sorel (1422-1450), favorite du roi Charles VII, aurait été la première femme à porter des bijoux
Agnès Sorel (1422-1450), favorite du roi Charles VII, aurait été la première femme à porter des bijoux

Légendes et Histoires

Avant de devenir objet de parure, le diamant fut considéré comme le symbole d’une caste (ainsi, par exemple, en Inde où le diamant blanc et incolore était réservé aux brahmanes, le « rouge », probablement un spinelle, aux guerriers, le « jaune » aux commerçants et le « gris », probablement une magnétite, aux paysans et aux artisans) ou l’attribut des rois et des nobles auxquels il était censé donner force et puissance, hardiesse et courage dans les combats en raison des radiations qui en émanaient.

Il n’était alors porté que par les hommes et ce n’est qu’à partir du XIVe siècle que les femmes commencèrent à s’en parer. Les légendes sur les pouvoirs mystérieux du diamant sont presque aussi anciennes que sa découverte et la croyance en son influence, tantôt bénéfique, tantôt maléfique, s’est maintenue en Occident jusqu’à une date relativement récente.

En Inde, circule une légende très ancienne selon laquelle il préserve son porteur de tout danger venant des serpents, du feu, des poisons, de la maladie, des voleurs, de l’eau, de la sorcellerie, etc. On rapporte que dans l’Égypte ancienne, le signe ankh comportait au 22 milieu de la croix ansée un diamant, symbole du soleil d’où viennent la force, la vérité, l’amour et le courage.

→ Quand et à quelle occasion offrir un diamant ?

L’influence maléfique du diamant ne se manifeste jamais, à travers les récits, en présence de petites pierres mais seulement quand il s’agit de pierres fabuleuses.

Certaines traditions ne rapportent-elles pas le cas du Sancy, qu’un soldat suisse déroba à Charles le Téméraire mourant et qui, rapporté en France, porta également malheur à Henri III? N’a-t-on pas aussi surnommé le Blue Hope, diamant d’un bleu profond, le « diamant maudit » dont la dernière « victime » fut Mrs. E.B. McLean?

Il en aurait été de même pour le Koh-i-Noor, l’Orloff, le Régent et bien d’autres, tous porteurs d’une mystérieuse malédiction pour leur possesseur.

Quel que soit le crédit qu’on veut bien porter à ces faits dont il conviendrait d’étudier avec objectivité les circonstances et les coïncidences qui les ont fait naître, il n’en demeure pas moins qu’accuser certains diamants de porter malheur perd singulièrement de sa portée si l’on veut bien considérer que, dans le passé, cela ne se produisait qu’au cours de guerres ou de luttes intestines sanglantes.

On ne peut pas non plus dissimuler que la valeur fabuleuse de certaines pierres exceptionnelles en raison de leur grandeur ou de leur beauté stimule toutes les convoitises et incite à prendre des risques extrêmes pour s’approprier de tels trésors. 

Maximilien Ier offrant un diamant à Marie de Bourgogne
Maximilien Ier offrant un diamant à Marie de Bourgogne
Moulin à polir à l'époque de Louis De Berquem au musée du diamant Diva à Anvers
Moulin à polir à l’époque de Louis De Berquem au musée du diamant Diva à Anvers

Le Moyen Âge accorde au diamant des pouvoirs plutôt bénéfiques et, dans un ouvrage ancien, on peut lire : « Le diamant possède le pouvoir de neutraliser les effets pernicieux des poisons, d’écarter les hallucinations démentielles, d’apaiser l’angoisse dangereuse pour la raison… », ou bien encore, dans un autre livre : « Les diamants poussent en famille.

On en trouve de grands et de petits. Mâles et femelles poussent ensemble, nourris de rosée. Ils s’accouplent et mettent des petits au monde, se multiplient et croissent toute l’année. Si vous voulez connaître les vertus du diamant, je vous les apprendrai telles que je les ai apprises moi-même des sages d’outre-mer de qui procède toute science.

Celui qui porte un diamant en reçoit la dureté et la virilité, préserve ses membres du péril, triomphe de ses ennemis en justice et à la guerre pourvu que sa cause soit juste. Il ne connaît ni combat, ni querelle, se met à l’abri d’influences néfastes, d’envoûtements, de phantasmes et d’illusions provoquées par de mauvais génies… ». 

Des ouvrages contemporains reprennent l’étude de l’influence que peuvent avoir les pierres précieuses et ainsi, dans le livre de Mellie Uyldert, intitulé Verborgen Krachten der Edelstenen, peut-on lire que le diamant 23 influence positivement la pensée, qu’astrologiquement il représente le soleil et qu’il a pour correspondant le signe du Lion. Ne dit-on pas aussi qu’il est l’image des purs esprits et qu’il conduit au péché d’orgueil celui qui n’est pas assez mûr pour le porter ! 

Quoi qu’il en soit, le diamant reste toujours une pierre chargée de symboles et, de nos jours, il demeure la pierre de prédilection des fiançailles, du mariage, de l’amour et de la vérité. Dans le livre Pouvoir et magies des pierres précieuses, les auteurs citent « voir un diamant en rêve est un présage de succès ».

Histoire de la taille du diamant

Comme nous l’avons vu, le principe de la taille actuelle du diamant a été découvert par le Brugeois Louis de Berquem, qui s’installa à Anvers lors du déclin de Bruges, mais il est intéressant de suivre les étapes ainsi que l’évolution du façonnage depuis la découverte en Inde du diamant jusqu’aux nouvelles techniques des dernières décennies.

Lors des expéditions d’Alexandre le Grand, le diamant fut introduit en Europe, principalement en Grèce où il reçut le nom de adamas (l’indomptable). La raison en était que personne ne pouvait le tailler comme les autres pierres précieuses. Plus tard il vint plutôt sporadiquement comme objet curieux et mystérieux et non comme bijou ou parure. On lui donnait des pouvoirs magiques, curatifs et bénéfiques.

Cœur de Flandres serti de diamants taille rose
Cœur de Flandres serti de diamants taille rose
Usine de polissage à l'eau au XIXe siècle à Idar-Oberstein
Usine de polissage à l’eau au XIXe siècle à Idar-Oberstein

Il restait propriété des riches et monarques à cause du voile de mystère qui l’entourait, et ce mystère fut une des raisons pour laquelle on ne voulait pas le façonner, le cliver ou le changer de forme, craignant ainsi de lui ôter ses pouvoirs exceptionnels. Pour cette raison on utilisait seulement les pierres à l’état brut. Jusqu’au XIVe siècle ce furent surtout les cristaux limpides et de belle forme sertis dans des bijoux qui furent les plus convoités.

L’étape suivante fut le clivage de morceaux irréguliers. Ce procédé fut malgré tout gardé secret pendant de longues périodes. C’est surtout en se basant sur la technique de la taille des pierres de couleurs que l’on donna un polissage aux formes extérieures du cristal.

→ Consultez notre guide sur la taille des diamants

Les cristaux octaèdres ou dodécaèdres transparents furent polis par limage à l’aide de lattes en bois ou de cuivre enduites de poudre de diamant; ce procédé était déjà utilisé pour le polissage des minéraux, ivoires et pierres décoratives.

C’était un procédé de longue haleine seulement imaginable en ces temps reculés. Rares sont les diamants retrouvés dans cet état, car la plupart furent par la suite taillés, plusieurs siècles plus tard. Les pierres furent serties dans les bagues montrant une pyramide telle celle de l’époque romane comme la bague retrouvée dans l’Escaut il y a quelques décennies, ou encore celle de Charles le Téméraire « les trois frères » et des peintures de cette période montrant les bijoux d’époques.

Cette taille rectifie l’inclination naturelle de quelques degrés de l’octaèdre afin de fermer la colette en éliminant les aspérités naturelles comme les trigons et les lignes de structures. Il est parfois difficile de discerner les diamants taillés en pointe de certains octaèdres naturels. On retrouve beaucoup de spécimens de cette taille pendant la période bourguignonne, dans la bijouterie, les parures, les calices etc.

Au XVe siècle, on voit apparaître les premières ébauches de taille selon la forme du brut créant ainsi la taille en pointe.

Histoire de la taille du brillant d’après le W.T.O.C.D.
Histoire de la taille du brillant d’après le W.T.O.C.D.
Banc de travail d'une usine de polissage au 17ème et 18ème siècle. A gauche le négoce, au milieu le débrutage et à droite le polissage (DIVA)
Banc de travail d’une usine de polissage au 17ème et 18ème siècle. A gauche le négoce, au milieu le débrutage et à droite le polissage (DIVA)

Lorsque Louis de Berquem découvrit en 1470 la technique du disque en fonte enduit de poudre de diamant et du dop en cuivre contenant la pierre, le diamant se transforma en prisme étincelant.

Grâce à cette découverte, le tailleur pouvait se permettre plus de fantaisie selon la pierre brute ou les éclats provenant du clivage. Les pierres taillées en différentes formes inspirées de la taille des pierres de couleurs furent employées dans la bijouterie de la noblesse et de la haute bourgeoisie ainsi que dans les objets religieux. Des éclats plus grands furent taillés en « rosettes » avec des facettes allant de 5 à 9 facettes. Les plus petites furent taillées à 3 faces. On voit ainsi apparaître la taille en « table », en losange, carré, rectangulaire. La taille en table provenait souvent d’un octaèdre dont on avait abaissé une pointe pour en faire une table. Cette table s’agrandit au fil des siècles.

La taille miroir ou à portrait était une double couronne.

Au XVIIe siècle, les tailles fantaisies n’ont plus de limites, ainsi le Roi Louis XV fit tailler par son joaillier, la forme « marquise » d’après les lèvres de Mme de Pompadour. On taille des pendeloques, des poires, ovales et les roses sont épaisses. C’est aussi une période ou les grands diamants historiques viennent des Indes en Europe pour être taillés ou retaillés.

Lors de l’apparition de la technique du sciage du diamant fin XIXe siècle, on pouvait se permettre de récupérer la pointe de l’octaèdre et de tailler ainsi deux diamants d’un seul octaèdre de brut.

Entre les deux guerres mondiales, la taille s’améliore grâce à une étude plus approfondie de la physique et de l’optique. Ainsi Marcel Tolkowsky créa le diamant taille moderne, suivi en 1949 par Eppler et ses normes scandinaves. Bien que la nouvelle taille brillant donne un éclat maximal, le diamant taille ancienne garde un certain charme et est irremplaçable dans les bijoux anciens. Certaines « nouvelles » tailles fantaisie se sont d’ailleurs inspirées des tailles anciennes.

Tailles anciennes d’après Diderot et D’Alembert
Tailles anciennes d’après Diderot et D’Alembert
Le diamant dans l’Histoire
Le diamant dans l’Histoire

Aujourd’hui on crée régulièrement de nouvelles tailles qui souvent existaient déjà dans la taille des pierres de couleur. Une revue d’amateurs lapidaires américains, le « Lapidary Journal » éditée depuis plus de 75 années, publie chaque mois de nouvelles tailles pour les pierres de couleur créées par des amateurs lapidaires passionnés et cela représente une source inépuisable de tailles fantaisies pour le diamant. Malgré tout la taille brillant a toujours été et restera la taille classique par excellence. Les normes de la taille, les proportions et les finitions sont actuellement d’une précision poussée à l’extrême, ce qui oblige les tailleries à utiliser des ordinateurs pour les mesures des angles de proportions.

La taille automatique

Déjà au XVIIe siècle, on a cherché à tailler plusieurs pierres à la fois ; cela fut immortalisé grâce à une gravure d’Anselme Boëtius de Boot en 1644. Il y est décrit un moulin sur lequel on taille 16 pierres à la fois dans un cercle sur une grande meule, et non dans une pince classique mais dans des bâtons verticaux qui lors de la taille peuvent êtres enlevés pour le contrôle de la taille. La fixation était une soudure composée de térébenthine, de pierre pillée et de résine. Mais ce n’est que vers les années 1970 que le besoin réel se fit sentir d’une taille automatisée. C’était la période où la délocalisation des industries vers les pays à bas salaires devint irréversible. 

Depuis lors, une multitude d’appareils de taille sont sortis des ateliers de constructions ainsi que du centre de recherche W.T.O.C.D. de l’H.R.D., des débruteuses et des pinces automatiques ainsi que des ordinateurs pour l’étude du diamant brut. Les autres centres de taille ont aussi créé des appareils, bien que plusieurs soient restés à l’état de prototype, d’autres font aujourd’hui partie intégrale des tailleries du xxie siècle. Le rayon laser fit son apparition au courant de la même période. D’abord dans le forage des diamants pour brûler les piqués noirs, puis pour le sciage. Les rayons laser ont aussi connu une évolution importante et font actuellement partie intégrante de l’atelier diamantaire, non seulement pour le sciage mais aussi pour la préforme et l’ébauche de la taille.

La complexité de la matière et surtout la valeur du diamant ne permettent pas une automatisation complète à l’heure actuelle. La taille automatique des pierres de couleurs (améthyste, citrine, grenat, etc.) est en pleine utilisation, mais la perte de poids varie de 70 à 80 %. Ce qui est impensable pour le diamant.

Parure avec diamants et saphirs par Boucheron, Paris 1884
Parure avec diamants et saphirs par Boucheron, Paris 1884
Tereschkowa 51,66 ct Sakha Jakutia
Tereschkowa 51,66 ct Sakha Jakutia
Drapeau de la Guilde du Diamant créé en 1582, recréé en 1904 et 1983
Drapeau de la Guilde du Diamant créé en 1582, recréé en 1904 et 1983

La valeur du diamant

Le diamant a toujours été un investissement sûr. Grâce à sa petite taille mais à sa grande valeur, le diamant peut être vendu partout dans le monde.

Un diamant acheté à New York peut être vendu à Anvers ou à Hong Kong sans aucun problème. Il en a toujours été ainsi.

Il est également intéressant de jeter un coup d’œil à l’histoire de la valeur du diamant. Il faut néanmoins tenir compte du facteur de dévaluation : l’inflation si bien connue dans notre système monétaire. Tavernier évaluait déjà la valeur du diamant au XVIIIe siècle comme suit : “le prix de deux diamants est dans la même proportion que le carré de leur poids”.

Le livre de Louis Dieulafait, Diamant et Pierres Précieuses (1887), présente un tableau intéressant avec les prix des diamants de 1606 à 1867. Parmi la liste figure un fait historique pertinent : la pierre de 1 carat qui, en 1606, coûtait 545 FF, est descendue à 202 FF en 1750. Cette dernière baisse peut être mise en relation avec l’arrivée massive de diamants brésiliens qui ont provoqué une chute des prix.

Si l’on compare les prix de 1606 à ceux de 1876, on constate que, compte tenu de l’inflation monétaire, le diamant était plus cher 200 ans plus tôt.

La valeur d’un diamant de “belle eau, bien poli, sans défauts” d’un carat s’élevait à 500 FF en 1890. Les mêmes pierres de deux carats valaient quatre fois plus, soit 2000 FF ; celle de 3 carats neuf fois plus, 4500 FF.

En 1920, les stocks mondiaux de diamants polis étaient estimés à 85 millions de carats, 25 ans plus tard, ils valaient 95 millions de carats.

Juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale, un diamant de première qualité était estimé à 10 000 FB. Deux ans plus tard, un diamant taille brillant de 5 carats de couleur cape et serti dans une bague a été vendu pour 192 000 FB à Bruxelles.

→ Comment est estimé le prix d’un diamant aujourd’hui ?

© Eddy Vleeschdrager – Dureté 10