Sculptures de diamants
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LA GRAVURE
La gravure ou glyptique est une technique bien plus ancienne. Déjà dans des écrits en 1500 on relate l’existence d’un diamant en forme de « bouton » appartenant au Pape Jules II qui aurait été gravé par un certain Ambrogio Foppa qui y aurait gravé des personnages de l’église, malheureusement la pierre a disparu et l’on n’est pas certain que la pierre fut réellement du diamant. Ainsi une autre pierre mentionnée en 1537 qui aurait appartenu au Roi de France François Ier qui l’offrit à Charles-Quint en signe de paix. Sur le diamant, on aurait gravé le texte Dilectionis testis
et exemplum ce qui veut dire « Témoignage et exemple de l’amitié », texte d’ailleurs très approprié pour la circonstance. Cette pierre a aussi disparu à tout jamais. Une autre pierre aurait été gravée pour Philippe II d’Espagne, un portrait de l’infant Carlos.
→ La sculpture de diamant est étroitement liée aux histoires et légendes du diamant
Dans la « Gazette des Beaux-arts » de 1867 on mentionne que le Gouverneur Giovanni Costanzo aurait fait graver la tête de Néron sur un diamant ; malheureusement la pierre a aussi disparu.
En revanche le « Shah » ou « Shâh » existe toujours (voir son histoire dans le chapitre des pierres célèbres). Une autre pierre gravée ayant appartenu au Shah Jahan fut vendue à Cartier en 1960. Richard Burton l’offrit à Elizabeth Taylor. La famille Metha en est le propriétaire actuel. Sur la pierre est gravé un texte arabe.
Le sceau de diamant « Médicis » aurait appartenu à Cosme Ier de Médicis et appartient actuellement au musée du Palais Pitti à Florence. Au début du siècle, le graveur belge Bordinckx se « tailla » une réputation internationale à Paris.
Le diamant a toujours été un symbole de richesse, le nec plus ultra des présents sur terre.
Voilà pourquoi les formes du diamant sont toujours demeurées simples et classiques.
La première forme déviant des classiques normaux, fut le petit cœur. Le modèle représente une pierre plus ou moins courte aux épaules larges, avec, au centre du coin de tête, une entaille pratiquée dans une direction perpendiculaire au rondiste. Cette entaille peut être pratiquée par l’ouvrier du débrutage ou du clivage. Plus tard, les tailleurs à la main plus assurée l’ont essayé sur le bord du disque de taille, après l’avoir enduit de bort. Les résultats des premiers cœurs ne furent pas très jolis.
Le modèle y était, certes, mais les facettes du rondiste s’arrêtaient au début de l’entaille, où commençait l’entaille brute obtuse et bosselée, parce que le disque de taille normal ne pouvait y accéder.
On eut alors l’idée d’y tailler des facettes à l’aide d’un petit disque de taille ayant deux surfaces de taille, dont le diamètre était de 90 mm environ, un peu plus épais donc qu’une lame de scie. On utilisait une vieille scieuse adaptée pour faire tourner le petit disque.
La vitesse de rotation et la puissance du moteur devaient également être adaptées. Un moteur de 1/8 ou de 1/4 ch ne suffisait absolument pas à faire suffisamment de pression sur le rondiste, car une plus grande pression s’imposait pour la taille. C’est ainsi qu’est née la combinaison du sciage et de la taille. On fit fabriquer des disques à partir du matériau des disques à bort, avec des coins à angles différents. Il s’agissait là d’une amélioration importante, car, lorsque le disque se trouve dans une fissure, on ne peut plus tourner pour trouver le was (la direction de taille) exact. Il s’agit donc d’une question de temps lorsqu’on veut traverser le naat du rondiste ; les disques à bort permettaient de réaliser un gain de temps certain.
La répartition régulière des facettes sur la surface de la fissure importe beaucoup ici, et la pointe parfaitement pointue doit se trouver exactement au milieu. Les problèmes disparurent donc. Car, si on peut façonner des cœurs, pourquoi ne pourrait-on pas fabriquer d’autres formes non mathématiques et non abstraites ? Ce fut une période de tâtonnements, de dessins et d’essais. Dans un premier stade, Robert Meeus fabriqua des croix et des étoiles de David. Il sut si bien se perfectionner dans ce travail, et si rapidement, qu’il s’est trouvé bien en avance sur les autres. « Je me suis mis à travailler de façon de plus en plus affinée, cherchant à approcher la perfection, et, bien vite, je me suis demandé pourquoi je me limiterais à ces modèles ». De là vint l’inspiration de faire autre chose : des papillons et des têtes de cheval ou des roses, par exemple, mais pourquoi pas aussi des portraits sculptés dans le diamant ?
Bien que la technique utilisée soit la même dans les deux cas, la différence entre ces deux catégories d’œuvres se trouve dans le fait que la première laisse un certain champ de manœuvre lors de son exécution, alors que les portraits ne supportent pas la moindre once de tolérance. Pour
obtenir un parfait portrait dans le diamant, il faut d’abord sélectionner le brut convenable, car la règle reste de vigueur: conserver un maximum de poids. L’épaisseur de la pierre joue un rôle moindre.
En général, on utilise des pierres pas trop grosses. La longueur et la largeur de la pierre sont toutefois importantes. La proportion entre le portrait et la pierre doit être précise. On esquisse d’abord le cadre du profil à l’aide d’un marqueur sur du papier-calque. Ensuite, l’artiste dessine toutes les tangentes sur le cadre, créant ainsi une surface aux lignes bien apparentes. Cette surface polygonale est réduite par procédé photographique. Les angles sont calculés et la taille du rondiste peut ainsi être entamée à partir de ces coins.
Lorsque les rondistes ont été taillés, on obtient une copie exacte du dessin sur papier calque, reporté sur le diamant.
Les rondistes sont ainsi amincis et le portrait peut commencer sur disque. Chaque tangente du dessin sur le papier-calque est numérotée dans le sens des aiguilles d’une montre. À l’aide d’un feutre, l’espace entre la tangente et le cadre du portrait est noirci sur le papier-calque. C’est la partie à détacher du diamant et cela se fera autant de fois qu’il y a de numéros sur le papier-calque ou jusqu’à ce qu’on ait fait le tour et qu’on en soit arrivé au point de départ.
Lorsqu’on retire la pierre du dop, il faudra à nouveau procéder à un agrandissement microscopique pour pouvoir la comparer à l’original. La suite du brillantage se réduit à la pose d’étoiles, qui ne sont pas isocèles ici, et des haléfis du dessus qui présentent la même disposition irrégulière des étoiles. En bas, on posera des haléfis sur les arêtes, qui varient
également en grandeur, mais qui se trouvent toutefois tous à la même distance de la colette. Les portraits les plus difficiles à réaliser furent sans aucun doute les modèles imposés. Comme on travaillait alors en général avec le diamant du client, on ne pouvait se permettre la moindre erreur. Chaque entaille devait être correctement placée au dixième de millimètre près car, pour un tel travail, il est impossible de recommencer. Il est également essentiel d’accentuer le trait de caractère le plus frappant de la personne à sculpter, pour que la personne soit facilement reconnue. À l’image du caricaturiste qui accentue certains traits, il faut absolument prêter attention aux caractéristiques les plus typiques de la personne. Pour le portrait du président Reagan, par exemple, les lèvres supérieure et inférieure étaient très importantes ; pour Hassan II, surtout le front dégagé et la partie entre la racine du nez et la lèvre supérieure. La chevelure constitue un problème délicat lorsqu’on fait des portraits ; comme le diamant n’a qu’une seule couleur, la chevelure ne peut se distinguer du visage.
Lorsqu’une personne donnée se caractérise par ou se reconnaît à sa chevelure spécifique, la tâche est ardue. C’est pour cela que la sélection d’un bon portrait n’est laissée qu’au seul artiste.
Chaque portrait dans le diamant ne réussit pas nécessairement. « Je ne peux jamais affirmer à l’avance si un portrait dans le diamant réussira ou non, » déclare Robert Meeus, « mais tous les portraits dans le diamant que j’ai entrepris jusqu’à présent, ont bien réussi ».
Les visages de femmes sont en général plus difficiles à réaliser que la chevelure. Il est en général plus facile de croquer le portrait de personnes blondes ou ayant les cheveux clairs ou peu abondants, puisque le contraste avec la chevelure joue un rôle moins important pour reconnaître la personne.
Lorsqu’on n’est pas entièrement lié à une structure particulière, on dispose de plus de liberté dans la réalisation de l’image. Ainsi, une tête d’animal (cheval, chien, taureau, etc.) se taille plus facilement.
Les lignes peuvent être assouplies ou même copiées de façon systématique et automatique.
La grande difficulté dans la sculpture du diamant surgit lorsqu’un sujet donné ne se reconnaît qu’aux lignes d’ombre ou aux lignes de brisure. Un
exemple : le portrait d’un animal entier ou d’un oiseau. Nous devons toujours partir du fait que nous avons affaire à des miniaturisations extrêmement petites. Pour augmenter la ressemblance, le sculpteur de diamant peut utiliser différents diamants de la même couleur ayant un même taux de pureté, et il peut diviser le sujet donné en différentes parties qui se marient harmonieusement, de telle sorte que, lorsqu’on assemble le puzzle, l’image voulue soit obtenue. On parle ici de « mosaïques de diamants ».
Les différentes parties doivent, bien sûr, être retenues par une armature de métal précieux.
La grande difficulté réside dans la recherche, dans la matière brute, de parties qui doivent toujours être taillées dans les proportions correspondant au dessin originel. Cette méthode présente l’avantage que certaines figures sont mieux caractérisées, car, par l’assemblage des pièces, des lignes de séparation se créent, qui renforcent sensiblement le dessin.
Nous voyons ainsi que cette spécialité, la plus difficile de toutes dans un métier déjà tellement difficile, mérite une mention particulière dans le cadre de ce livre. D’autant plus par la valeur artistique ajoutée ainsi au diamant, et nous pouvons être fiers que cette nouvelle tendance ait trouvé son origine à Anvers. Cette même ville d’Anvers qui se doit de tenir en honneur la tradition de la taille du diamant. À Anvers, les diamants ayant une valeur inférieure au niveau de la pureté et de la couleur, peuvent ainsi être vendus à un prix supérieur grâce au caractère personnel qui peut être rajouté à ces sculptures de diamants.
Actuellement différentes firmes se spécialisent dans les sculptures.
© Dureté 10 – Eddy Vleeschdrager