Évolution historique du commerce diamantaire
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Grâce à la civilisation gréco-romaine et aux documents qu’elle nous a laissés, on peut avoir quelques indications sur ce qu’était alors le commerce du diamant. Ils nous permettent de savoir pour quels motifs on attachait déjà une grande valeur au diamant, d’où il provenait, mais nous ne trouvons aucune précision sur les quantités négociées, le nombre et le poids des gemmes échangées. À cette époque, le diamant, comme les autres pierres précieuses et les marchandises rares, parvenait en Europe par des routes commerciales très anciennes qui reliaient les côtes de l’Inde à Constantinople et à Alexandrie et, un peu plus tard, à Rome au temps de sa grandeur, par la Perse et la Turquie ou par le Golfe Persique. Ces échanges ralentirent avec la chute de l’empire romain et ce n’est qu’au début du Moyen Âge qu’on leur retrouve une certaine vigueur. L’histoire des caravanes est racontée minutieusement par Jean Baptiste Tavernier dans son livre « voyage en Perse ».
Le xve siècle est marqué par la splendeur et le dynamisme de Venise qui détient le monopole du commerce du diamant brut et il semble même qu’on y ait ébauché les premières tentatives de taille car on trouve, alors, quelques diamants taillés. Il ne s’agit, à vrai dire, que de pierres dont les surfaces planes ont été agrémentées de quelques facettes.
En entretenant des échanges actifs avec la cité des doges, Bruges devint rapidement un centre réputé de taille, ce qui lui valut d’être appelée la
« Venise du Nord », en absorbant la plus grande partie des diamants en provenance de Venise. D’autres centres de taille s’installèrent aussi, à cette époque, à Paris, à Alexandrie et en Allemagne.
À la fin du xve siècle, le déclin de Bruges, comme ville portuaire, s’accompagna de celui de son activité diamantaire qui passa à Anvers en pleine expansion grâce à l’activité de son port. Cette activité n’allait pas cesser de croître, à la suite de la découverte par Vasco de Gama d’une liaison maritime directe avec les Indes. Dès lors, par ses relations avec Lisbonne, devenu principal importateur des Indes en supplantant Venise, Anvers devint le centre prééminent du commerce du diamant en y faisant transiter près de la moitié du diamant brut indien et en en taillant la plus grande partie. Mais les guerres, les intrigues politiques, l’intolérance religieuse des Espagnols ne tardèrent pas à ruiner cette situation et, dès la fin du xve siècle, de nombreux tailleurs de diamant et de pierres de couleur quittèrent la ville et s’installèrent à Amsterdam où les avaient précédés nombre de juifs portugais, diamantaires et financiers, fuyant eux-mêmes leur pays pour échapper aux persécutions religieuses de l’Inquisition.
Sans perdre complètement sa tradition diamantaire, Anvers dut pourtant céder la première place à Amsterdam dans le négoce et la taille du diamant. Entre-temps, Londres évinçait Portugais et Hollandais du commerce avec l’Inde et, au xviie siècle, devenait à son tour un important centre diamantaire. Malgré la découverte des gisements de diamant au
Brésil et la production abondante qui s’ensuivit, l’évolution du commerce diamantaire ne subira pas de changements notables jusqu’à la mise en exploitation des mines d’Afrique du Sud après 1870. Ce fut d’ailleurs pour Londres l’occasion de confirmer sa prééminence comme centre mondial du diamant brut et pour Anvers, celle de reprendre sa place comme centre du diamant taillé car, malgré la longue crise qu’elle avait traversée, quelques tailleries y avaient cependant subsisté. Les années qui suivirent furent marquées par des périodes d’expansion, puis de récession, suivies d’une reprise juste avant la guerre des Boers en 1899 qui entraîna une pénurie de brut. L’expansion qui précéda 1905 s’effondra en 1907. Un an plus tard, la découverte de grandes quantités de petites pierres de bonne qualité au Sud-Ouest Africain, alors possession allemande, provoqua un renouveau du marché, rapidement effacé par la guerre de 19141918. Dès la fin de la Première Guerre mondiale, on assista à une reprise des échanges diamantaires qui dura jusqu’en 1920, date à laquelle les premiers symptômes de la grande crise économique mondiale qui s’annonçait, remirent tout en question.
Les quelques années qui précédèrent la Seconde Guerre mondiale permirent de discerner une nouvelle recrudescence de la demande en pierres taillées. Dans l’intervalle des deux guerres mondiales, Amsterdam connut un déclin brutal provoqué par la réorganisation de la fiscalité, mais aussi en raison de salaires trop élevés, ce qui profita à Anvers où la pression fiscale était moins forte et les crédits plus souples.
Nombreux furent les diamantaires hollandais qui quittèrent Amsterdam pour s’installer à Anvers et y bénéficier de meilleures conditions de travail. À Anvers comme à Amsterdam, le florin hollandais était resté l’unité monétaire courante. Cela a souvent provoqué des différends sur le taux de change entre le florin hollandais et le franc belge. Pour mettre un terme à cette polémique, il a été décidé de payer un montant fixe de 20 francs belges pour 1 florin. Cette unité monétaire virtuelle fut appelée florin-diamant.
Malgré tout, le florin-diamant a encore été utilisé durant de nombreuses décennies dans le secteur du diamant, grâce surtout à la mentalité des marchands de diamants plus âgés qui étaient attachés à cette monnaie « imaginaire ». Lors de l’effondrement de la livre anglaise, De Beers a décidé d’utiliser le dollar comme seule unité de monnaie pour toutes les transactions.
Jusqu’à la fin de 1948, les années qui suivirent la fin de la Seconde Guerre mondiale furent des années de gloire pour le secteur diamantaire et, parallèlement, le diamant industriel prit un essor considérable à la suite des recherches technologiques qu’avait suscitées le conflit mondial.
Après une certaine accalmie, la guerre de Corée provoqua une reprise spectaculaire des ventes de diamant. Ce furent alors les golden sixties, des années de remarquable stabilité et prospérité pour le diamant qui prirent fin avec la hausse des prix de 1973 et le début de la crise du pétrole. Dans le même temps, le secteur du diamant taillé subissait de profonds réaménagements à la suite de la concurrence imposée par les pays à bas salaires ou subsidiés, comme l’Inde, Israël, la Thaïlande, le Sri Lanka, les Îles Maurice, le Vietnam et la Chine qui accaparèrent la taille des petites marchandises en obligeant ainsi Anvers, par exemple, à ne plus tailler que les grosses pierres de grande valeur.
Venant s’ajouter à ces difficultés, Anvers assistait au démarrage de l’intégration verticale de la De Beers qui créait ses propres ateliers de sciage et de clivage (L.D.I.) en Campine, avec tout ce que cela pouvait comporter comme bouleversements au sein des petites et moyennes entreprises locales. L.D.I. a fermé l’entreprise une vingtaine d’années plus tard.
Après le creux des années 1975-1976, une forte reprise de la vente des 8⁄8 et des mêlées a pu s’observer vers 1977. Elle était la conséquence des spéculations israéliennes. Rapidement, elle fut suivie par la rechute du prix de ces catégories de marchandises.
1980 fut l’année de spéculation sur les « pierres à certificat » d’un carat qui atteignirent des prix astronomiques. Tout naturellement, ils s’effondrèrent et retrouvèrent des prix normaux en 1982.
La fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle marquent une période charnière pour le commerce du diamant. Primitivement réservé à une élite, et ce durant plusieurs siècles, le diamant allait se démocratiser avec le développement du capitalisme moderne et, progressivement, devenir accessible à la riche bourgeoisie, avant de se populariser dans les classes moyennes.
Parallèlement, le développement industriel et les techniques nouvelles donnaient au diamant de qualité industrielle des possibilités d’emplois qui n’ont pas cessé de s’accroître au cours des années et dont les besoins grandissants absorbent environ 80 % de la production mondiale du diamant brut extrait du sol. Malgré les guerres et les spéculations, il est important de noter que, depuis la crise économique des années vingt, le diamant a bénéficié de cours relativement stables et en progression constante, le mettant à l’abri des secousses qui caractérisent ceux des autres matières premières. C’est un fait unique qui est le résultat d’une politique commerciale déterminée, due à l’œuvre de la De Beers dont le nom est lié au diamant comme celui de Ford l’est à l’automobile.
© Dureté 10 – Eddy Vleeschdrager